Anatole Nkolo : « Il est impératif de faire le distinguo entre la mission de planification stratégique et les stratégies opérationnelles »

(TIC Mag) – Approché par TIC Mag pour en savoir plus sur le travail d’Interface qui se fait parallèlement avec celui de l’administration, Anatole Nkolo, le secrétaire général du groupe Interface, a bien voulu expliquer les contours du travail de son cabinet. Il lève un pan de voile sur ce que certains considèrent à tort ou à raison comme un amalgame au sein de l’administration dans la définition de la stratégie du développement numérique du Cameroun.

Pour lui, en dépit de la mise sur pied du Comité interministériel pour la définition du Plan stratégique Cameroun numérique 2020, le groupe Interface poursuit son travail et a déjà mené au mois de mars 2016 plus des 110 entretiens tant avec les acteurs nationaux (privés, publics et société civile) concernés par l’économie numérique. Aussi, le cabinet a mis sur pied un site web pour recueillir les avis des Camerounais.

TIC Mag : Votre cabinet avait été choisi par le ministère des Finances en 2015 pour la réalisation d’une étude en vue de l’élaboration du Plan national informatique du Cameroun. D’abord, pourquoi est-on passé du Plan national informatique du Cameroun comme initialement prévu par le ministère des Finances au Plan de développement du numérique ?

Anatole Nkolo : votre question appelle une réponse en deux volets dont l’un relève de la gouvernance de projets et l’autre de l’alignement stratégique.

Premier volet : pour le Plan national informatique ou Plan du développement numérique du Cameroun, il s’agit ni plus ni moins que d’un projet structurant, et en ce sens, doit impérativement s’aligner aux standards et normes universels de gouvernance de projets.  C’est ainsi qu’au cours de la phase de cadrage du projet, eu égard à la transversalité et l’interdisciplinarité des thématiques débattues dans les différents ateliers, l’ensemble des participants représentant les quatre composantes de l’Etat du Cameroun (secteur public, secteur privé, société civile, citoyens) ainsi que les partenaires au développement ont unanimement recommandé au Maitre d’ouvrage d’étendre la réflexion en cours à la numérisation de la société camerounaise.  Faut-il rappeler que le numérique (la technologie numérique j’entends), peut se définir comme une manière (empruntée aux mathématiques ) de représenter l’ensemble des phénomènes anthropologiques et scientifiques que suscite l’informatisation ?

Au terme d’intenses travaux de haute facture en ateliers, l’élargissement du périmètre du Plan national informatique (initialement restreint aux besoins et aux enjeux de transformation du secteur public), à l’ensemble des composantes de l’économie et de la société camerounaises, a été retenue comme la recommandation majeure de cette phase de cadrage, ce qui a motivé la décision du Ministre des Finances, Maître d’ouvrage, de rebaptiser le projet initial du nom de Plan du développement numérique du Cameroun, en abrégé PDNC.

Deuxième volet : conformément aux TDR, le Plan national informatique (PNI) devrait s’aligner stratégiquement au DSCE (Document de Stratégie pour la Croissance et l’Emploi). Or, la stratégie de la croissance et de l’emploi, qui reste et demeure à ce jour le cadre référentiel de toute politique de développement socioéconomique du Cameroun, adresse plusieurs objectifs stratégiques et notamment : la modernisation de l’administration publique (gestion administrative et gouvernance) ; la gestion des ressources de l’Etat ; l’amélioration de la transparence des affaires ; la performance de la fiscalité ; le financement de l’économie ; le développement de la gestion domaniale du patrimoine foncier ; la protection de l’espace économique national ; l’intégration régionale ; l’amélioration de l’accès du citoyen à l’information. L’exigence contractuelle, fonctionnelle et opérationnelle de cet alignement stratégique, nécessitait impérativement d’intégrer dans la réflexion du PNI, les trois mutations qui transforment profondément toute société à la recherche de son émergence, à savoir : la domination progressive de l’économie immatérielle, la numérisation du monde et le développement des infrastructures de télécoms.

TIC Mag : D’après le ministre des Finances, “ l’élaboration du Plan national informatique confiée à Interface consiste, pour l’essentiel, à en améliorer la compréhension, de clarifier tous les contours en définissant avec précision le contexte et les enjeux, les objectifs assignés, les résultats attendus, le planning actualisé, les contraintes et risques identifiés ainsi que les facteurs clés de succès y afférents“. Avec le changement en Plan national de développement de l’économie numérique, le job description a-t-il changé ?

Anatole Nkolo : La vérité est que le job description dans son articulation méthodologique, et là nous parlons de planification stratégique, n’a pas profondément changé. Le véritable changement, si tant est qu’il y en ait un, réside dans la nécessité de formaliser une vision commune et partagée qui induit une démarche plus inclusive et plus participative étendue à toutes les composantes de l’Etat. Je rappelle que l’Etat du Cameroun nous a confié une mission de planification stratégique (peu importe que ce soit le PNI ou le PDNC) avec pour principal enjeu d’élaborer le cadre référentiel indispensable à la réalisation réussie des différentes initiatives sectorielles (politiques, stratégies, programmes, projets, …) portées et/ou opérationnalisées par de multiples acteurs publics, privés, locaux ou internationaux concernés par la transformation de la société camerounaise en une société de l’information capable de créer de la valeur ajoutée et d’améliorer le niveau de vie et le bien-être social de ses citoyens.  Ce niveau de réflexion stratégique est clé, car il permet de construire un modèle stratégico-opérationnel plus cohérent et plus mobilisateur, dédié à un accompagnement et un appui efficaces et adéquats à un développement coordonné des actions, et ce, en optimisant les délais, en facilitant le traitement et la qualité de l’information et en réduisant la complexité pour les différents acteurs.

TIC Mag : Comment entendez-vous travailler pour concilier l’étude que vous menez et les résolutions des Journées nationales du numérique, car d’après la ministre, ces journées vont déboucher à “la définition d’une stratégie de développement de l’économie numérique au Cameroun” actuellement en préparation par un Comité interministériel ?

Anatole Nkolo : L’organisation des Journées nationales du numérique est une initiative que je salue car elle participe de cette campagne de communication au plus haut niveau de l’Etat qui est absolument nécessaire pour donner un signal fort à la société dans son ensemble sur le fait que la transformation numérique est désormais (ou du moins doit le devenir) une priorité nationale. Elle traduit également l’intérêt que l’ensemble des composantes de l’Etat accordent au numérique.

En dépit du fait que les organisateurs des dites journées aient oublié d’inviter Interface (un des leaders sous régionaux dans le Conseil et l’Intégration des technologies numériques), j’ai néanmoins pris personnellement part à ces journées non seulement en séances plénières, mais également dans plusieurs ateliers dans lesquels j’ai contribué aux débats.

Pour ma part, j’ai le sentiment que les résolutions auxquelles vous faites allusion visent pour la plupart à confirmer les réponses que le Chef de l’Etat, les promoteurs de start-ups numériques, la société civile, certaines entreprises et certaines administrations ont déjà formulé aux questions suivantes : Quoi (transformation digitale du Cameroun) ?, Pourquoi (booster la croissance, créer des emplois, soutenir le DSCE) ? et Où (Cameroun numérique, Vision 2035) ?  

TIC Mag : N’y a-t-il pas amalgame dans les différentes initiatives du gouvernement, à savoir un cabinet (Groupe Interface) qui travaille de son côté et un Comité interministériel qui doit établir le Plan stratégique sur la base des recommandations des journées nationales de l’Economie numérique ?

Anatole Nkolo : Je saisis l’opportunité que vous m’offrez à travers cette interview pour m’exprimer sur l’amalgame qui est soit voulue, soit entretenue par les gouvernants et certaines multinationales sur les différentes initiatives relatives à la transformation digitale du Cameroun, dont certaines sont antérieures aux récentes adresses du Chef de l’Etat à la Nation et à la jeunesse camerounaises.

Il est très important et même impératif que l’on fasse le distinguo entre la mission de Planification stratégique qui nous a été confiée par le MINFI et les stratégies opérationnelles et programmes sectoriels qui peuvent être portés par les différentes composantes de l’Etat. Le Plan de développement numérique d’un pays est un outil référentiel qui spécifie la vision, formalise la méthode, identifie les contraintes, mitige les risques, fixe les priorités, qualifie les résultats, organise la concertation, la cohérence, le pilotage et l’efficacité globale. En un mot, il s’agit de définir une pensée organisatrice et stratégique qui adresse l’ensemble de l’écosystème camerounais (économie, santé, éducation, industrie, agriculture, services, politique, cohésion sociale, gouvernance…) et qui apporte des réponses aux trois questions suivantes : Comment ? (la méthode), Quand ? (le rythme) et Combien ? (les résultats).

TIC Mag : Comment concilier les différentes initiatives et stratégies sectorielles du numérique qui s’observent ici et là ?

Anatole Nkolo : Les stratégies opérationnelles et les programmes sectoriels portés par les différentes composantes de l’Etat du Cameroun (secteur public, secteur privé, société civile, citoyens)  voire par nos partenaires au développement, doivent quant à elles se référer à ce cadre partagé et mobilisateur, afin de garantir la cohérence,  la mutualisation, la rationalisation et la gestion optimale des idées, des actions et des ressources mises en œuvres, et partant, éviter ainsi une réalisation parcellaire et peu focalisée sur les véritables enjeux de la numérisation de la société camerounaise.

C’est dans cette perspective que devrait se situer la stratégie de développement de l’économie numérique portée par le ministre des Postes et Télécommunications. En effet, le développement de l’économie numérique est un sujet transversal qui concerne de multiples composantes au niveau des pouvoirs publics. Même si l’on fixe un petit nombre de priorités, ces priorités impliquent une politique globale, regroupant une grande variété d’éléments. Aussi, en se référant au Plan de développement numérique du Cameroun, la stratégie de développement de l’économie numérique sus-évoquée sera élaborée à partir d’une approche des besoins du «marché» (usagers, entreprises, administrations), répondant aux objectifs de développement du Cameroun (Vision 2035, DSCE, PDIC, compétitivité des entreprises, avantages comparatifs pour l’insertion dans l’économie mondiale) et s’appuyant sur l’existant et l’état de maturité de l’écosystème camerounais.

Aussi, je résume ma réponse à votre question par cette métaphore inspirée d’un livre de référence connu de tous : Au commencement était le PDNC (Plan de développement numérique du Cameroun) et le PDNC était l’outil de référence de la transformation numérique du Cameroun. C’est par lui que toutes les stratégies sectorielles et les programmes y afférents sont venues à l’existence, et rien de ce qui s’est fait ne s’est fait sans lui.

TIC Mag : Quels sont les services et compétences de votre cabinet Interface ?

Anatole Nkolo : INTERFACE est un groupe multinational de droit camerounais au capital de 1 million d’euros, soit 650 millions de FCFA, créé en 1994 avec pour objet l’application des technologies de l’information et de la communication aux problématiques métiers.

Le groupe s’est progressivement affirmé comme architecte d’infrastructures, éditeur de solutions logicielles, conseil en stratégie, en innovation et en technologies, assumant ainsi pleinement une approche métier singulière, faite d’anticipation des contraintes fonctionnelles. Aujourd’hui présent dans une quinzaine de pays européens et africains, il démontre au quotidien la capacité à accompagner les organisations publiques et privées dans le choix des technologies adaptées à leur métier, et l’alignement maîtrisé de leurs systèmes d’information à leur stratégie de développement.

INTERFACE s’appuie sur plus de 300 salariés et collaborateurs à travers le monde pour développer quatre métiers complémentaires pour mieux répondre aux besoins de ses 500 clients, et ce, dans le but de les accompagner sur l’ensemble de la chaîne de valeur : Conseil en stratégie, en innovation et en technologies numériques ; Architecte et Infogérant d’infrastructures IT ; Editeur de solutions logicielles ; Distributeur de marques.

Bénéficiant d’une croissance de 40% sur les trois dernières années, Interface figure parmi le top 10 des entreprises de services numériques africaines ayant créé des emplois et de la valeur.

Propos recueillis par Beaugas-Orain DJOYUM


Anatole NKOLO

Tel que présenté par lui-même :

« Mon nom est Antoine Anatole Biyidi Nkolo. Le raccourci généralement utilisé dans le milieu professionnel est Anatole Nkolo (et non Anatole NKODO comme l’ont souvent écrit les médias et les réseaux sociaux).

Anatole Nkolo

Au plan professionnel, je totalise à mon actif plus de 30 années d’expérience dans le domaine du Conseil et de l’Intégration des technologies de l’information ainsi que dans celui de l’Entreprenariat. Comme salarié, j’ai tour à tour occupé des postes de cadres dirigeants dans plusieurs multinationales (IBM France, Groupe NCR-DEKAGE, Cabinet J. NAKACHE, Direct Sud Consulting Group, Groupe INTERFACE où j’occupe actuellement le poste de Secrétaire Général).  Comme entrepreneur, j’ai promu et dirigé diverses Sociétés de services et d’ingénierie en informatique (SSII) et notamment Micro Computing Systems Sarl (en abrégé MCS : je suis le précurseur de la micro-informatique au Cameroun dans les années 1980), Staffware Engineering Sarl, Centre de Management de l’Information Sarl CMI) et Métrika-Cameroun SA.

Au plan de la formation scolaire, j’ai essentiellement construit mon cursus académique au sein des écoles et universités françaises, en l’occurrence, l’Ecole supérieure d’informatique de SUPINFO International University (M.S.C, Expert en Informatique et en Systèmes d’Information, major de la promotion 1977), les Universités de Paris-I Sorbonne (DEEG en économie, 1974) et de Marne La Vallée, Paris-Est (Master II AIGEME, spécialité Audit et Etudes Informatiques, 2006).

Au plan socio-politique, je suis membre de la Commission nationale OHADA, ancien conseiller municipal auprès de la Commune de Mbandjock et j’appartiens au SUPINFO Executive Club ».

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