Faux comptes Facebook des officiels camerounais : réaction adaptée du Premier Ministre ?

Les ministres Camerounais dont le 1er d’entre eux ont été victimes de création de comptes Facebook frauduleux, c’est à dire des comptes crées et alimentés par des individus mal intentionnés. Les victimes ont donc pris la mesure des conséquences de tels actes sur leurs images. Et ont décidé de riposter… Par voie de presse. En publiant des communiqués de mise au point dans la presse imprimée camerounaise, notamment Cameroon Tribune, le quotidien national.

En tant que professionnel du numérique, ces sorties posent deux problèmes: Le 1er problème est celui de la gestion de la réputation numérique des fonctionnaires d’Etat du calibre des victimes sus citées. La “détéritorialisation” de la diffusion des informations sur la toile et la “viralité” inhérente à la consommation de cette information exigent aujourd’hui de mettre en place des process de contrôle de son image. La veille traditionnelle existe et reste qualitative, mais Internet a élargi le spectre et modifié les lignes de front et il faut s’adapter. Surtout que des outils existent pour mettre en place cette veille, au moins pour avoir un temps de réaction court.

En plus simple, chacun s’il le veut, à des niveaux différents bien sûr, peut chercher à savoir ce qui se dit sur lui sur la toile. Des outils simples comme Google Alerts ou plus élaborés comme Alerti et Mention permettent d’arriver à cette fin. Ces deux derniers freemiums ont une offre médias sociaux en accès payant. Cela aurait permis aux services de communication des ministres d’être informés dès la création de ces nouveaux comptes Facebook portant leurs patronymes. Ceci avant la mise en ligne des contenus potentiellement malveillants.

Le 2e problème est celui des canaux de diffusion utilisés pour informer l’opinion de ces désagréments. Je parie que les Camerounais qui ont lu cette sortie dans le Cameroon Tribune ont appris l’info par le même canal et pire, en ont été informés via ledit communiqué. Et les Camerounais fans de Facebook et donc potentiellement amis avec le faux compte du Premier Ministre, n’ont pas nécessairement lu Cameroon Tribune et donc le communiqué et au mieux en ont entendu parler via… Facebook.

Conclusion, les supports utilisés n’étaient pas complètement adaptés au public visé. Nous avons évoqué la “détéritorialisation” de l’information sur la toile. Cela signifie que des Camerounais du monde entier et même d’autres nationalités ont été en contact avec ces pages Facebook mais qu’ils ne peuvent pas lire la sortie des concernés dans la presse diffusée au Cameroun. Il aurait donc fallu s’appuyer sur de solides supports numériques pour diffuser cette information. Et pour être sûre de le faire de manière efficace, mettre en place des stratégies de référencement naturel (SEO) ou payant (SEM) pour faire paraître ces mises au point de manière optimale. Les cas de ce type vont se multiplier et les recours juridiques traditionnels ne sont pas toujours efficients pour retrouver et faire punir les auteurs de tels faits. Car c’est l’adresse IP, unique à chaque ordinateur qui permet d’identifier le responsable de l’ordinateur comme le coupable. Mais dans un pays où l’utilisation de l’Internet est encore largement communautaire, le tracking est difficile. Un ordinateur dans un cybercafé de Yaoundé a une adresse IP unique, mais vingt utilisateurs dans la journée. Comment traquer facilement l’un des utilisateurs de la journée si c’est de cet ordinateur qu’a été créé le faux compte Facebook? Pire, le compte peut avoir été créé dans un autre pays… Ce n’est donc pas simple. Facebook et d’autres réseaux sociaux ont mis en place des réglementations concernant le droit à la confidentialité et y avoir recours est judicieux, au moins dans un premier temps.

Et puis, la meilleure façon de répondre à la création de faux comptes est… la création de vrais comptes ou “comptes officiels”. Avec des contenus réguliers, pertinents et inédits, la différence se fera très rapidement avec les faux comptes. Facebook revendique 120 millions d’utilisateurs en Afrique. Ce qui signifie que les réseaux sociaux font progressivement partie des mœurs et doivent, toute proportion gardée, être intégrés comme leviers de communication, notamment institutionnelle. Car elle touche un public différent des lecteurs de presse traditionnelle et montre à bon escient l’ouverture des administrateurs au processus de modernité. Avec l’émancipation des usages, liée à une offre de connexion de plus en plus stable et l’usage des smartphones, Internet qui était un support de communication est devenu un mode de consommation et de pensée. Et bouleverse les usages et remodèle le rapport à l’information, à la politique ou à la publicité.

Bien prendre conscience de ces enjeux est presque une nécessité pour nos dirigeants. Ses règles sont différentes de celles de la communication traditionnelle. Cela conduit à avoir des profils professionnels bien spécifiques dédiés à la gestion des communautés (community managers), des contenus (web content – brand content manager), du marketing (webmarketing), des visuels (webdesign)… Un tout autre monde.

Ingrid Ngounou d’Halluin est auteur de “Internet et la presse en ligne au Cameroun” Harmattan, 2010.

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