Démocratie numérique : les quatre demandes du Sommet mondial du Partenariat pour un Gouvernement Ouvert

(TIC Mag) – Le 4ème sommet mondial du Partenariat pour un Gouvernement Ouvert s’est tenu à Paris les 7, 8 et 9 décembre 2016. Créé en Septembre 2011 par huit pays fondateurs (Afrique du Sud, Brésil, États-Unis, Indonésie, Mexique, Norvège, Philippines, Royaume-Uni), le PGO compte désormais 70 membres qui seront bientôt rejoints par d’autres nations comme l’Afghanistan, l’Allemagne, le Burkina Faso, la Jamaïque, le Luxembourg, Madagascar, le Maroc, le Pakistan, le Portugal et le Sénégal.

La France a adhéré à cette communauté dès avril 2014 et en assure depuis le 21 septembre 2016 la présidence. C’est à ce titre, qu’elle a organisé ce sommet cette année. M. Jean-Vincent Placé, secrétaire d’Etat auprès du Premier ministre représente le gouvernement français au sein du partenariat.

Les débats citoyens enregistrés lors de ce sommet ont montré une détermination à créer de nouvelles passerelles entre les composantes des sociétés civiles et leurs gouvernements, à réinventer la démocratie pour apporter de nouvelles réponses à la crise de confiance généralisée qui éloigne les dirigeants de leurs populations.

En résumé, nous dirons que ces échanges ont fait ressortir quatre types de demande et un même objectif; celui de donner une meilleure représentativité aux citoyens dans les processus démocratiques qui les concernent.

L’exemplarité des élus
La première de ces demandes est une exigence d’exemplarité. Elle consiste à appliquer aux élus un certain nombre de règles comme : l’obligation de déclaration de leur patrimoine ; la transparence sur le financement de leur campagne électorale ; l’acceptation de principes déontologiques propices à garantir leur intégrité, comme le non cumul et le renouvellement limité des mandats.

La seconde demande porte sur la mise en place de dispositifs efficaces pour contrer les organisations qui cherchent à s’approprier les biens publics. Elle consiste à encourager les gouvernements à adopter des directives contre le blanchiment et la corruption, a lutter contre la fraude et l’évasion fiscale.

Vient ensuite une demande de transparence dans l’exercice du pouvoir, notamment dans les secteurs stratégiques avec un encadrement plus étroit de l’activité des grands groupes de pression, afin de mieux contrôler l’influence et le poids des lobbyistes dans les processus de délibération ; le refus des monopoles privés ; la garantie donnée à la presse d’investigation de pouvoir exercer en toute liberté ; la protection des lanceurs d’alerte dès lors qu’ils agissent de manière désintéressée, au service de l’intérêt général ; un accès facilité et généralisé à l’Internet et à la mise en commun des expériences sur les réseaux sociaux ; la prise en compte des avis exprimés sur les plateformes participatives.

Ces exigences peuvent, pour la plupart, paraître consensuelles. De nombreuses instances de pouvoir en tiennent déjà compte. L’U.E. gère un registre des groupes d’intérêts présents au parlement. Un comité d’éthique se charge de contrôler l’attribution des marchés publics.
En France, 14 000 décideurs publics sont tenus de faire une déclaration de patrimoine et de revenus avant de prendre leur fonction.

Mais, cette demande de transparence dans l’exercice du pouvoir s’accompagne également d’une possibilité pour compléter ou appuyer la démocratie représentative par plus de démocratie participative.

En prenant pour exemple la directive européenne qui permet à une pétition, signée par au moins un million de personnes, de mettre à l’agenda de la commission européenne un sujet qui fait débat, bon nombre de politiciens pensent que le droit des citoyens à participer aux processus de décision est garanti à ceux qui veulent réellement s’impliquer.

A vouloir trop en faire, ils craignent que l’on donne aux acteurs organisés de la société civile, ceux qu’on appelle les corps intermédiaires (les associations, les syndicats, les partis, les lobbys, les médias) les moyens légaux de s’accaparer et de détourner le processus démocratique. Hors, pour ces politiciens : “Ce ne sont pas les citoyens qui font la loi mais les élus ” ; “Ceux qui veulent décider n’ont qu’à se faire élire” ; “La transparence existe autant qu’il est possible, si l’on tient compte du devoir qu’ont les décideurs de garder les secrets (secret des affaires, secret d’Etat, secret des négociations, secret défense, secret industriel, etc.).”

Et l’accès à l’Internet…

Il y a nécessairement pour les élus des exceptions au principe de transparence. D’autres points de vue contradictoires peuvent apparaître du fait du nombre et de l’origine géographique des intervenants.
Ce qui est envisageable dans les pays du Nord peut ne pas l’être pour ceux du Sud où trop peu de gens ont encore accès à l’Internet et aux réseaux sociaux pour s’organiser et s’entraider.
Ce qui est applicable par un Etat peut être difficile à mettre en place au sein d’organisme suppléant les Etats, comme l’Union Européenne avec son conseil, son parlement, sa commission et ses milliers de conseillers.

Les approches peuvent varier et les conflits d’intérêt interférer comme en témoigne M. Augustine Bantar NJAMSNHI à la tête de la délégation des sociétés civiles du Cameroun et de l’alliance panafricaine pour la justice climatique. Fervent défenseur de l’accord de Paris sur le climat, il nous explique tout son intérêt pour ce sommet qui, pour lui, peut être immédiatement utilisé pour s’assurer, par exemple, que les fonds promis lors de la COP21 ont bien été versés et employés comme prévus.

En nous faisant remarquer que le PGO pourrait tout aussi bien servir à autre chose et qu’il fallait y être attentif, il imagine un support permettant aux gouvernements de demander plus aux populations, en terme d’effort à consentir, en contrepartie du fait qu’elles seraient davantage associées à l’action publique.

Il n’est pas certain que cette finalité, envisagée pour le PGO, soit appréciée de tous, ni même qu’il soit recommandé de présenter les choses ainsi, si l’on souhaite obtenir l’engouement des populations au principe du gouvernance ouverte et ne pas douter de ses véritables intentions.

Dans ce contexte, la question des outils numériques peut paraître secondaire, mais fait néanmoins l’objet d’une demande récurrente de la part des débateurs. Comme si les administrations, les médias, les réseaux sociaux, les services de vente en ligne n’avaient pas déjà fait la preuve de la capacité du numérique à gérer les accès à des comptes personnalisés, sécurisés, à centraliser et à remonter la libre expression des personnes d’où qu’elle vienne.

Nous avons déjà depuis bien longtemps tous les outils logiciels nécessaires au passage d’une démocratie représentative à une démocratie participative permettant à chacun de choisir et de se prononcer au cas par cas sur les grands sujets de société qui le concernent.

100 pays présents

Il faut rappeler que plus de 100 pays ont envoyé à Paris des délégations composées de représentants de la société civile, des universitaires, des chercheurs, des innovateurs, des ONG, des associations, des experts, des entrepreneurs, des fonctionnaires, avec une volonté partagée d’exprimer la diversité et le multiculturalisme, de mixer les générations en donnant une place toute particulière aux jeunes et aux femmes.

Lors de la cérémonie d’ouverture, le Président de la République française, M. François Hollande (Photo, crédit photo : Philippe Mingotaud), a rappelé les trois ambitions du PGO. A savoir, élargir la communauté à de nouveaux membres ; contribuer à renouveler “le pacte commun”, à produire des réformes qui apportent du concret dans la vie des citoyens ; aider au bon respect des engagements pris par les pays, en prenant comme exemple ceux signés par les Etats présents lors de la COP 21.

Les participants à ce sommet ont cherché à faire le point sur le degré d’avancement des réflexions entamées, pour mieux repartir de l’avant dans leurs propositions.
Des lieux aussi prestigieux que l’hôtel du collectionneur, la salle Pleyel, le Palais de Iena, le Palais de Tokyo, l’Assemblée nationale, le Sénat et la Mairie de Paris ont accueilli un grand nombre de débats, d’ateliers, de tables rondes consacrés aux connaissances, aux apprentissages et aux idées et ce, dans les trois langues officielles du PGO : le français, l’anglais et l’espagnol.

Par Philippe Mingotaud, à Paris

 

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