Interférences sur les téléchargements des musiques

Des réunions se multiplient au sein du gouvernement camerounais pour calmer le syndicat et les deux grandes entreprises de téléphonie mobile à couteaux tirés depuis quelques semaines.

Louis Roméo Dika Doumbe, président du syndicat des musiciens du Cameroun ne désarme pas. Après une sortie médiatique à travers un communiqué de presse le 4 janvier dernier avec pour objet «conflit entre les artistes et les sociétés de téléphonie Mtn et Orange», après une lettre que la fédération internationale des musiciens basée à Paris en France a adressée au président de la République du Cameroun deux jours après, le chanteur camerounais a remis ça mardi dernier à Yaoundé en organisant une conférence de presse au palais des sports de Yaoundé, qui avait tout l’air d’un meeting des artistes.

Roméo Dika, par ailleurs administrateur de la société civile de l’art musical (Socam) dont la présidente du conseil d’administration, Odile Ngaska faisait partie de l’assistance mardi dernier estime que, «depuis bientôt vingt ans, les sociétés de téléphonie Mtn, Orange installées au Cameroun, exploitent illégalement les ?uvres musicales, en violation des droits moraux et patrimoniaux des créateurs, éditeurs et producteurs détenteurs légaux desdits droits».

La fédération internationale semble beaucoup plus précise lorsqu’elle avance que «les sociétés Mtn et Orange, en infraction constante avec la loi, utilisent des répertoires protégés sans avoir obtenu ni sollicité de licence auprès des titulaires de droits. Ces actes de piraterie caractérisée incitent en outre les usagers à ne plus acheter de musique enregistrée, celle-ci étant à mise à disposition par Mtn et Orange par voie de téléchargement pour 300 Fcfa par chanson. Les deux sociétés, dont le nombre d’abonnés cumulé s’élève à 12 millions, jouissent ainsi de revenus considérables en parfaite spoliation des ayants droit», écrit Benoît Machuel, le secrétaire général de ladite organisation syndicale.
Calculette en main, les syndicalistes de la musique estiment que le téléchargement rapporte à ces deux entreprise au moins 7,2 milliards Fcfa par an et que, «par cet acte de piraterie, Mtn et Orange ont spolié les artistes et producteurs d’environ 108 Milliards», selon Roméo Dika, quelque peu violent dans sa démarche épistolaire : «Malgré l’abolition de la traite négrière depuis plusieurs siècles et de l’apartheid depuis quelques années, ces sociétés étrangères Volent et Pirates impunément, les usagers et les auteurs- compositeurs, éditeurs et producteurs, poussant ces derniers à finir leurs jours dans la misère et mourir», écrit-il, pendant que son confrère Esso Essomba souligne : «Nul n’est obligé de consommer nos oeuvres. Nous de demandons pas de l’aumône».

Réactions
Les deux entreprises visées n’ont pas tardé à réagir, même de manière officieuse, en attendant des communiqués officiels. Ainsi, l’un des responsables de Mtn (Mobile Telephony Network) joint au téléphone et qui a préféré garder l’anonymat a confié que l’entreprise s’expliquera en temps opportun. Néanmoins, il a soutenu qu’il s’agit ici d’une question de légitimité. «On n’est pas des pirates comme l’estiment ces artistes. On fait beaucoup pour la culture camerounaise. Le problème est que la légitimité de la société chargée de collecter le droit d’auteur est contestée depuis les décisions de la Cour suprême. Mtn a payé jusqu’à ce que le problème éclate. A qui allons-nous payer ?» S’est interrogé ce responsable de Mtn, qui rappelle d’ailleurs un communiqué de la ministre de la culture qui rappelait aux grands usages des droits d’auteur que, «qui paie mal paie deux fois».

Ce responsable de Mtn confie même que, «depuis quelque temps, Mtn et la Socam sont en négociations pour revaloriser la convention entre les deux parties». Convention estimée à moins de dix millions Fcfa par an, selon un responsable d’Orange Cameroun, qui reconnaît que la Socam a entamé les mêmes négociations avec cette entreprise de téléphonie mobile. A cette question centrale qui est de savoir à qui ces entreprises devront reverser ces droits revendiqués par le syndicat des artistes, Roméo Dika répond : «Le moment venu, on avisera». A Orange Cameroun où une concertation appelée de tous ses voeux Roméo Dika pour une éventuelle négociation était programmée hier, rendez-vous menacé car la ministre de la culture a convoqué les deux entreprises à son cabinet le même jour, l’on semble scandalisé par la démarche des syndicalistes. «Il n’y a jamais eu de problème de droit d’auteur. Orange Cameroun a toujours payé les droits d’auteurs. Ce, jusqu’en décembre 2011», précise Blaise Etoa Tsanga, responsable Sponsoring à Orange Cameroun. A qui Orange Cameroun paie-t-il les droits d’auteur ? «Depuis 2006, nous avons opté pour le compte de dépôt spécial, qui devait procéder à une répartition en cinq guichets.

Notamment la commission permanente de médiation et de contrôle et les quatre société de gestion des droits d’auteur», renseigne Blaise Etoa. Il pense même que Roméo Dika «fabule. Il y a beaucoup de choses qui ne sont pas vraies. C’est une irresponsabilité flagrante. D’ailleurs, il reconnaît être allé trop loin pour grossir les faits», se défend Blaise Etoa Tsanga, au téléphone. Il indique que «les calculs opérés avec les responsables de la Socam montrent que les droits sur le téléchargement ne représentent rien du tout». De manière méthodique, Orange Cameroun répond aux syndicalistes sur la base de leur correspondance. Ainsi, «Depuis bientôt vingt ans, les sociétés de téléphonie Mtn et Orange installées au Cameroun…» Orange rappelle qu’il a lancé ses activité en 2000. Concernant les autorisations évoquées par les artistes, Orange répond : «Ce qui est fait via la Cmc il y a quelques années, la Socam ces dernières années pour les artistes membres de ces associations, avec les artistes à titre individuel lorsqu’ils ne sont pas affiliés».

Rappels
Pour les paiements des droits, Roméo écrit: «Se croyant dans une jungle sans foi ni loi, et même au mépris de la création, Mtn et Orange n’ont pas cru devoir se conformer à la loi». Orange lui répond : «Orange se conforme à la loi et s’acquitte contre reçu de tous les droits auprès des organismes et des artistes isolés».
En 2009, au plus fort de la crise judiciaire entre le ministère de la Culture et la Cameroon music corporation (Cmc), les «grands usagers» avaient décidé de ne plus payer les droits. Puis, en avril 2009 précisément, l’ensemble des sociétés membres du Gicam astreints au paiement de la redevance du droit d’auteur avaient annoncé qu’ils cessaient tout paiement à la Socam au profit de la Cmc.
Ces usagers se fondaient sur l’ordonnance n°034/Ose/Ca/Cs/2008 du 17 décembre 2008 de la Chambre administrative de la Cour suprême, qui suspendait les effets des décisions n°0088 du 12 mai 2008 et n°0089 du 15 mai 2008 du ministre de la Culture portant respectivement retrait d’agrément à la Cmc et créant un comité ad hoc chargé de la gestion des affaires courantes de la Cmc. Lequel comité ad hoc avait aussi présidé l’assemblée générale ayant débouché sur la création de la Socam le 7 juin 2008. Et la réunion convoquée au ministère de la Culture hier n’a pas permis d’avancer sur le sujet.

Source : Mutations

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