L’importance des SVA dans l’émergence de l’économie numérique au Cameroun

TIC Mag publie la tribune libre de Pierre-François KAMANOU, directeur général de GTS-Infotel Cameroon, qui plaide au sujet de la place des opérateurs de Services à valeur ajoutée dans l’univers des télécoms au Cameroun.

Organisé par l’Agence de Régulations des Télécommunications (ART), il s’est tenu du 9 au 10 Février 2016, le premier Forum sur les services 3G/4G dans l’économie numérique au Cameroun. L’un des objectifs de ce Forum était de mettre en place un nouveau type de partenariat entre les opérateurs concessionnaires de réseau mobile et les fournisseurs d’accès télécom (Internet et Mobile) titulaires de licence, appelés aussi opérateurs alternatifs de télécommunications, en vue de dynamiser le sous-segment des fournisseurs de services de communications électroniques à valeur ajoutée (FSVA), dont la part de marché dans l’économie numérique reste négligeable. C’est le thème de l’un des 2 exposés que j’ai présenté pour le compte du CONESTEL, l’Association des opérateurs alternatifs de télécommunications au Cameroun.

Je voudrais tout d’abord adresser mes félicitations à l’ART pour avoir organisé ce premier Forum qui a réuni les dirigeants des opérateurs concessionnaires et les autres acteurs du secteur. Je remercie également l’ART pour l’opportunité à moi offerte de présenter une fois de plus au cours de mon exposé, notre demande aux opérateurs mobiles d’un nouveau mode d’interconnexion de type « Télécom » adapté à notre nouvelle activité d’opérateur mobile virtuel de numéros SVA, pour le développement des Fournisseurs SVA locaux.

Malheureusement, aucune réponse à notre demande n’a été fournie à l’issue des présentations des 3 opérateurs mobiles. Ils se sont contentés de présenter l’unique modèle d’interconnexion de type « API » pour les Fournisseurs SVA locaux, sans faire cas du modèle d’interconnexion « Telecom » qu’ils offrent aux Fournisseurs SVA internationaux. Cela permet ainsi aux opérateurs mobiles de garder le contrôle entier de ce sous-segment du marché des services mobiles à valeur ajoutée, le domaine à fort potentiel de développement de l’économie numérique.

A cet effet, il convient de rappeler les principaux objectifs visés par la réforme du secteur des télécommunications engagée depuis 1998 et contenus dans la Loi sur les télécommunications, qui s’est traduite par l’introduction de 2 opérateurs mobiles internationaux (Orange et MTN) dans le marché :

  1. Améliorer l’offre globale des services de télécommunications du point de vue quantité, qualité et à des prix accessibles, et faciliter l’accès au plus grand nombre de la population y compris en zone rurale, pour répondre aux besoins multiples des utilisateurs et de la population,
  2. Favoriser la participation des opérateurs économiques privés nationaux, surtout dans le domaine de la libéralisation des services à valeur ajoutée (téléphonie mobile cellulaire, transmission de données, fourniture d’accès Internet, …….),
  3. Assurer la contribution de ce secteur au développement économique et social du pays.

Sur le premier objectif, le bilan est mitigé avec un taux de pénétration mobile de 80% bien que la qualité de service reste à améliorer, mais on note un très faible taux de pénétration Internet mobile de l’ordre de 5%, alors que la moyenne africaine est de 8%. Alors qu’en Occident, on a atteint la saturation de la population connectée et on est entré dans l’ère des objets connectés (Internet Of Things) qui va révolutionner les modes de fonctionnement dans tous les secteurs de la vie économique et sociale.

S’agissant des 2 autres objectifs mentionnés plus haut et correspondent aux indicateurs de la dynamisation de l’économie numérique, force est de reconnaître qu’après plus de 15 ans suivant la libéralisation du secteur des télécommunications, ils sont loin d’être atteints.

A cet égard, le constat de retard pris dans le développement de l’économie numérique fait par le Président Paul Biya dans ses 2 discours du 31 décembre 2015 et 10 février 2016 est salvateur, d’autant qu’il interpelle tous les acteurs de la chaîne de valeur (Institutions publiques, Professionnels du secteur des télécommunications et TIC, Entreprises, Jeunes) à se mobiliser davantage pour l’émergence d’une véritable économie numérique en vue d’un Cameroun émergeant.

C’est ainsi que l’ART, ayant pris conscience de la situation d’atonie du segment de marché des SVA, a organisé ce premier forum pour dresser un bilan de l’état des lieux et rappeler l’obligation d’interconnexion entre tous les opérateurs soumis au régime de l’Autorisation (de type Concession et Licence) conformément à la nouvelle Loi sur les Communications électroniques de 2010. Il s’agit là d’une condition indispensable à la dynamisation du soussegment des fournisseurs SVA, et par conséquent au développement du marché des services en ligne, socle de l’économie numérique.

Les deux bases du développement de l’économie numérique

En effet, le développement de l’économie numérique repose sur 2 bases : une base des personnes connectées correspondant aux consommateurs ou utilisateurs potentiels de produits numériques, et une base de sites connectés regroupant les entreprises, les administrations et les datacenters dans lesquels les produits numériques sont hébergés sur les plateformes pour être accessibles au plus grand nombre d’utilisateurs via les canaux mobiles : GSM (Voix, SMS, USSD) ou Internet (Voix, SMS, Image, Video). La croissance de cette économie numérique se mesure par le volume de transactions entre les abonnés mobiles /internet et les plateformes de services en ligne fournies par les fournisseurs SVA.

Afin de combler le retard dans le développement de cette économie numérique, il s’agit donc d’une part d’accroître de manière significative le nombre d’abonnés mobile internet et le nombre de sites connectés, et d’autre part de développer et héberger des milliers d’applications ou services à valeur ajoutée, puis les mettre en ligne afin de les rendre accessibles via les canaux mobile GSM et/ou Internet.

C’est le rôle des opérateurs concessionnaires de développer davantage cette base de personnes et d’entreprises connectées, avec une meilleure qualité de service. Ces opérateurs peuvent également fournir des services à valeur ajoutée à leur base d’abonnés mobiles, en établissant des partenariats avec des fournisseurs d’applications ou de contenus. C’est d’ailleurs à ce jour la seule solution pour monétiser des services mobiles à valeur ajoutée et générer des revenus. En d’autres termes, ce sont les opérateurs concessionnaires qui contrôlent toute la chaine de valeur, assurant la gestion  des abonnés connectés, ainsi que la mise en ligne et la distribution des produits numériques.

Par analogie avec le secteur de l’économie traditionnel, on se retrouve dans une situation de monopole où c’est une seule classe d’acteurs qui assure tous les types de transport (terrestre, aérien et maritime) sur le plan local, national et international, et qui de plus décide des  personnes, des biens et services utilisant leurs différentes routes.

Afin de palier à cette situation, il est impérieux de faire évoluer l’écosystème des TIC avec l’introduction d’opérateurs alternatifs de télécommunications spécialisés dans la fourniture d’accès mobile aux services à valeur ajoutée à travers tous les réseaux mobiles et sur tous les canaux GSM : Voix, SMS, USSD.

C’est en fait le projet que je porte depuis que j’ai décidé de créer GTS-Infotel Cameroon en 2002 dont la vocation est de devenir un opérateur mobile virtuel SVA. A cet effet, il nous a fallu attendre plus de 15 ans pour obtenir du Régulateur une licence de services support de communications électroniques ainsi que des milliers de numéros longs SVA à préfixe 8 du plan national de numérotation, nous positionnant ainsi comme le premier opérateur alternatif de télécommunications mobiles.

Ceci a été le même cas au Nigeria où notre société-sœur GTS-Infotel Nigeria a également obtenu récemment une licence de services de numéros SVA  après 10 ans d’endurance. D’où le prix de pionnier de développement des services à valeur ajoutée au Nigeria qui m’a été personnellement attribué le 30 octobre 2015 par ATCON, l’Association des sociétés de télécommunications du Nigeria. Aussi, je tiens à remercier la Ministre des Postes et Télécommunications, Mme Minette Libom Li Likeng, qui m’a adressée une lettre de félicitation et d’encouragement en ses termes: « Je saisis cette occasion pour vous encourager à persévérer dans cette voie de l’excellence et à continuer de développer au Cameroun, le segment de marché des services à valeur ajoutée dont le potentiel reste important ».

Il convient de noter qu’au Nigeria, il existe déjà plusieurs centaines de sociétés locales détenues par des nationaux, exerçant les activités d’opérateurs alternatifs de télécommunications tels que : Accès Internet très haut débit 4G-LTE, Transmission de données par Fibre optique, Terminaison d’appels Voix & SMS, Numéros vert & alphanumériques. De plus dans le domaine des SVA, les opérateurs mobiles sont interdits d’établir des partenariats avec des fournisseurs SVA internationales n’ayant pas une structure locale. On peut aussi remarquer qu’il existe dans tous les pays d’Europe, des milliers d’opérateurs alternatifs de télécommunications exerçant dans un ou plusieurs sous-segments de l’industrie des TIC, notamment celui des numéros SVA longs et courts (numéro vert, banalisé, surtaxé).

En conséquence, il devient urgent que les opérateurs concessionnaires mettent en place une offre de services d’interconnexion multicanal (Voix, SMS, USSD) pour les opérateurs titulaires de licence, disposant des ressources en numérotation en vue du développement des Fournisseurs SVA déclarés ou non, et permettre à des milliers de fournisseurs de services Web/IT de devenir des fournisseurs de services TIC.

En conclusion, l’émergence de l’économie numérique repose sur la mise en place d’une infrastructure des services d’accès Mobile multicanal (via les numéros mobiles virtuels) associée aux infrastructures des services d’accès Internet (via les adresses IP),  afin de permettre le développement et la mise en ligne des centaines de milliers de plateformes d’application et de contenus locaux  à valeur ajoutée accessibles à l’ensemble des abonnés mobiles internet. C’est ainsi que l’on pourra bénéficier à court terme des dividendes de l’économie numérique en termes d’accélération de la croissance, de création d’emplois, et d’amélioration de la qualité de service et de l’expérience client.

Tribune libre publiée par Dr. Ing. Pierre-François KAMANOU, Directeur Général de GTS-Infotel Cameroon


A propos de l’auteur

Pierre-François KAMANOU est un franco-camerounais âgé de 56 ans. Il est titulaire d’une Maîtrise en Sciences Physiques obtenu à l’Université de Yaoundé, d’un diplôme d’Ingénieur SUPELEC Paris et d’un diplôme de Doctorat d’Ingénieur SUPTELECOM Paris.

Il débute sa carrière professionnelle en 1985 à Alcatel France comme Ingénieur d’études pendant 8 ans, où il participe notamment à l’élaboration des spécifications GSM.

En 1994, il rejoint TELEMATE Mobile Consultants, une filiale du groupe France Telecom, où il a en charge l’optimisation du réseau GSM Itinéris à Paris.

En 1995, il crée la filiale française du groupe anglais MSI  (fondé par le Dr. Mohamed Ibrahim), spécialisé dans la fourniture du logiciel PLANET de planification et optimisation des réseaux mobiles GSM en France et dans plusieurs pays en Afrique.

En 1997, il devient Directeur « Business Development » au sein du nouveau groupe MSI/Cellular Investments crée par le même Dr. Mohamed Ibrahim, maison-mère des filiales CELTEL en Afrique, devenue ZAIN puis AIRTEL. A ce titre, il est en charge de l’acquisition de licences d’Opérateur mobile dans les pays francophone : Cameroun, Sénégal, Tchad, Centrafrique, Congo, Togo, Côte d’Ivoire.

En 1999, il devient le premier Directeur Général de Telecel Gabon, le 3ème opérateur mobile GSM au Gabon.

En 2001, il crée le groupe Global Telecom Services Africa en France puis sa 1ère filiale GTS-Infotel au Cameroun en 2002, qui obtient la première licence de services de télécommunications à valeur ajoutée de type audiotex.

En 2004, en tant que Consultant, il occupe les fonctions de Directeur des opérations chez Alcatel au Nigeria, en charge du déploiement du réseau GSM/2,5G de l’Opérateur Globacom.

En 2005, il crée la 2ème filiale GTS-Infotel au Nigeria, et occupe jusqu’à ce jour les fonctions de Directeur Général, cumulativement à celles de GTS Africa et de GTS-Infotel Cameroon.

KAMANOU, en qualité d’Expert UIT, a réalisé de nombreuses missions d’études d’ingénierie radio dans plusieurs pays africains. En Octobre 2015, il reçoit le prix de Pionnier du développement des services de télécommunications à valeur ajoutée au Nigeria décerné par ATCON, l’Association des Sociétés de services de télécommunications du Nigeria.


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